De gauche à droite : Anne Thoby, Céline Chemla, Damien Lafond-Puyo
Un secteur has-been et démodé la laine ?
Que nenni ! 3 jeunes entrepreneurs se sont vus décerner la marque Esprit Parc national Pyrénées pour leur activité dans la filière laine.
Même s’ils se surnomment eux-mêmes "Les Derniers des Mohicans" en raison des difficultés rencontrées dans leur travail, c’est la passion de leur métier (à tisser) et la quête de l’authenticité qui guide leur action.
C’est le lundi 11 juin 2018 à Aulon au quartier Carrère, que les trois récipiendaires, aux activités complémentaires, ont pu expliciter leur démarche et le lien avec la marque Esprit Parc national.
Il y avait là la locale de l’étape Céline Chemla qui a repris il y a quelques temps l’exploitation de Christiane Michou-Baratin « Mohair d’Aulon en Pyrénées » et que les aurois et louronnais connaissent bien pour la rencontrer sur les marchés des vallées.
Céline élève sur les hauteurs d’Aulon, un troupeau d’environ 80 chèvres Angora produisant, grâce à deux tontes dans l’année, 300 à 400 kg de mohair par an à partir desquels sont produits des fils à tricoter, chaussettes, tricots, tissages, toisons...). Certaines étapes de la fabrication (lavage, peignage, filature, teinturerie, tissage ...) sont sous-traitées localement, lorsque c’est possible, ou sinon à l’extérieur, de préférence en France. Afin de maîtriser la qualité de la fabrication, il arrive à Céline de participer à ces différentes étapes chez les sous-traitants. Céline enfin aime partager sa passion et organise durant l’été des visites guidées de l’exploitation qui sont très appréciées des visiteurs.
http://www.mohair-aulon.com/fr/
Designer textile, Anne Thoby a créé en 2015 son entreprise « Pyrénées Création », basée au nord de Tarbes. Elle achète la laine des brebis de race Aure-Campan, Barégeoise ou Lourdaise auprès des éleveurs locaux. Ce faisant, ce travail de valorisation contribue à maintenir ces troupeaux en faibles effectifs, ce qui participe au maintien de la biodiversité.
Anne choisit avec soin les artisans qui travailleront la laine principalement dans le Sud-Ouest. Elle confectionne ensuite avec celle-ci ses produits finis : chaussons, chaussettes, tapis, mitaines, sacs, casquettes …
En quête d’authenticité, son leitmotiv est de valoriser les savoir-faire textiles et de travailler avec des acteurs au plus près des Pyrénées.
On peut retrouver les créations d’Anne Thoby à la boutique de créateurs Stuff Concept Store à Arreau.
http://www.pyrenees-creation.com/
Damien Lafond-Puyo, lui, est plongé dans la laine depuis sa plus tendre enfance puisqu’il est de la 5ème génération à diriger La Carde, entreprise de 7 employés fondée en 1891 et qui fabrique couvertures, plaids, couettes et vêtements en laine locale.
Basée à Esquieze-Sere, l’entreprise récolte principalement la laine en Pays Toy et vallées voisines auprès d’une trentaine d’éleveurs de la race Barégeoise et Lourdaise.
Elle produit chaque année environ 15 tonnes de laine ce qui en fait le plus important producteur des Pyrénées.
En dehors du lavage qui est sous-traité, toutes les nombreuses opérations de traitement de la laine (cardage, tissage, foulage, grattage, confection) sont réalisées dans les ateliers de la Carde.
Damien est ainsi très fier de sa production locale 100 % Pays Toy qu’il revendique tout comme le contrôle de la quasi-totalité des opérations de traitement, de la matière première au produit fini.
https://www.lacarde-pyrenees.com/
Loin de la start-up Nation ...
Nos trois acteurs de la filière, s’ils sont très fiers de ce qu’ils font et de leur utilité pour conserver les savoir-faire ancestraux et les productions locales ne se masquent pas pour autant la réalité : pour des raisons économiques, plus de 90 % de la laine produite en France* est traitée hors de France pour revenir en produits finis. Les entreprises avec lesquelles ils travaillent sont fragiles et rares. Leur disparition menace donc directement leur activité. Par exemple, le dernier laveur de laine en France a fermé boutique, ce qui oblige nos trois entrepreneurs à acheminer la matière première en Belgique.
Nos amis savent qu’ils ne deviendront jamais riches avec leur métier (exit la toison d’Aure, donc) mais ce n’est pas ce qui les guide.
Ils s’inscrivent dans un développement durable qui n’est pas de façade et s’efforcent de partager leur passion. A force de pédagogie, de visites de leur exploitation, ils veulent faire comprendre à leurs visiteurs la complexité de leur métier et par là-même les coûts engendrés ; ils veulent faire comprendre que par leurs achats, ils font des choix de société.
« Une marque inspirée par la nature »
Le Parc national par le biais de sa marque espère bien les soutenir dans leur démarche. Une marque Esprit parc national qui met en valeur des produits et des services créés par les hommes et les femmes qui contribuent à la préservation et à la valorisation des patrimoines naturels, culturels et paysagers de son territoire.
Depuis l’été 2015, dans les Pyrénées, pas moins de 117 entreprises sont engagées avec le Parc sur la base de cahiers des charges communs aux 10 parcs nationaux.
http://www.espritparcnational.com/
Philippe Villette
* Laine qui est déjà un produit marginal dans le domaine textile
La marque "Esprit Parc national" a été lancée durant l'été 2015 pour l'ensemble des 10 parcs nationaux français.
Cette distinction entend «mettre en valeur les produits et les services créés par les hommes et les femmes contribuant à la préservation et à la valorisation des patrimoines naturels, culturels et paysagers des territoires».
Revue de presse sur les "marqués" de la vallée